« Quand l’intérieur et l’extérieur sont illuminés, et que tout est clair, vous êtes un avec la lumière du soleil et de la lune. »

Liu i Ming Awakening to the Tao

Le Yoga est notamment tantrique parce qu’il part du corps et de la sensation. Il est un élément d’incarnation de l’Etre à travers la communion, l’intégration et le mouvement. Il permet de se connecter aux cycles naturels internes et externes, et de synchroniser nos propres rythmes avec les jonctions du temps externe. Tous les mouvements intérieurs sont l’incarnation de l’énergie divine Shakti et son flot, toute respiration est un reflet du pouls cosmique. Les macrorythmes du cosmos font échos dans les microrythmes des battements du cœur et de la respiration. Et dans une myriade d’autres mouvements et processus (physiques, émotionnels, mentaux et spirituels), à l’intérieur du corps où notre cœur est le point de rencontre alchimique du soleil, de la lune et du feu.

La pratique du Yoga Tantra par les asanas, c’est-à-dire les postures, et le pranayama ou la libération par le souffle, permet de tendre vers ce que l’on appelle l’homéostasie, c’est à dire l’équilibre autorégulateur et auto-organisateur des paramètres vitaux, et vers l’ataraxie, l’absence de trouble du mental. L’être humain est un condensé d’énergies en constantes interactions et évolution. Les composantes physiologique, énergétique et psychique sont activées et ramenées de façon organique vers un état d’équilibre où nous sommes centrés, moins affectés par les événements du monde extérieur; au contraire, notre état peut influencer positivement l’environnement. Mon approche des techniques se fait sur un mode simple, spontané et libérateur plutôt que sur le mode à caractère patriarcal de la maîtrise, du contrôle et de la complication.  On ne force pas la Nature. Il s’agit de libérer la respiration, libérer les articulations, libérer l’énergie vitale, libérer l’être de ses résistances et de ses blocages, pour s’aligner dans le flot de la vie cosmique. La pratique du Yoga Tantra nous entraine dans les rythmes du corps individuel et cosmique, en vivant dans le courant sacré et créatif de la vie. La vie ne t’arrive pas à toi, elle arrive pour toi.

Les Postures de la Conscience

« Vagabonde ou dance… dans une pure spontanéité (sahaja). Puis, subitement, laisse-toi tomber sur le sol et dans cette chute sois total. Là l’essence absolue est révélée.’ »

Vijnana Bhairava Tantra

Le mot ‘asana’ signifie siège ou position, c’est à dire la capacité de prendre une assise confortable pour et dans la conscience.

L’être n’est pas contenue dans les limites du corps. Le corps est contenu dans l’illimité de l’être.

Les postures de Yoga nous entrainent à agir en totale conscience. Elles expriment aussi un état intérieur, et engendrent une expérience d’alignement naturel. L’origine des asanas est le flot de la conscience. Cette médecine du mouvement qu’est le Yoga postural, montre la relation entre mouvement et comportement, humeur, sentiment, lieu et temps. Le Yoga postural, la branche de Yoga certainement la plus connue et pratiquée à l’heure actuelle, est destiné à se régénérer, et à développer souplesse et tonicité, qualités essentielles d’une vie saine et souveraine. A un niveau plus profond, cette pratique permet de devenir conscient du flux énergétique à la base du fonctionnement du corps et du mental et qui nous traverse, le souffle vital qui traverse l’univers (Prana Shakti). Les asanas éveillent l’énergie interne (Shakti) et le flot de prana à l’intérieur du corps. La liberté de mouvement est un reflet du courant interne. Les micromouvements pendant une séance activent la circulation énergétique dans le corps, et principalement dans les marmas, les points de jonctions de la matière et de l’esprit, dont les plus connus sont les chakras.

Le corps entier est comme une antenne, un transducteur, et comme les mudras (sceaux énergétiques formé par la position des doigts, des mains, des bras et du corps, contenant des états d’être inhérents), les postures de Yoga créent des formes, une sorte de signal, telle une antenne captant des ondes radiophoniques ou télévisuelles. On les appelle alors sharira mudra, ou mudra du corps entier. La forme de votre corps affecte à la fois l’environnement et vous-même, et permet de capter l’information différemment en fonction de la structure qu’elle prend.

Toutes les poses connectent les extrémités (la gauche, la droite, le haut, le bas), l’activité et le repos, l’esprit et le corps, le ciel et la terre ; elles sont l’occasion d’un véritable jeu dans la dualité, un jeu des opposés où l’on retrouve posture et contre posture, contraction et étirement, agir, non-agir, activation d’un côté et relâchement de l’autre, amenant finalement un équilibre ; les poses sont des métaphores afin d’ouvrir le système petit à petit. Le yoga cultive la posture intérieure ; ce qui est fait à l’extérieur sera fait à l’intérieur. Les mouvements conscients et la présence d’esprit au corps permettent de se réapproprier des parties de soi, nous permettent de se réapproprier un espace, autour de soi et à l’intérieur de soi, d’être à l’écoute des signaux du corps pour bouger et naviguer avec moins de peine et de résistance.

La capacité de percevoir ces micro-changements du corps s’appelle intéroception, ou introspection sensorielle, que les spécialistes reconnaissent aujourd’hui comme essentiel à un fonctionnement quotidien optimal et sain. En se mettant à l’écoute de son intériorité corporelle, on peut se diriger vers la présence mouvante et émouvante qui nous habite, ce qui amène un sentiment d’existence plus fort, en  ancrant un état de solidité et d’équilibre, indépendant des situations et des événements extérieurs. Le Yoga nous lance des défis et nous confronte à nos peurs (mettre la tête en bas, voir le monde sous un angle inversé), nos habitudes (avoir oublié certaines postures comme se mettre à genoux), nos déséquilibres (tenir sur une jambe mais pas sur l’autre), et en même temps nous aide à corriger sans forcer ces mécanismes inconscients.

Il n’y a pas de croyance dans le corps parce qu’il indiquera toujours où l’esprit se sépare du corps, là où le mal être n’a pas été relâché par le système nerveux.

De plus la pratique permet de transformer la tension en mouvement, permettant ainsi d’évacuer au lieu d’emmagasiner des éléments toxiques. La tension et l’anxiété ne sont que des symptômes qui signalent une inadéquation entre vos choix de vie et ce dont votre corps a besoin. En tant que processus alchimique, le Yoga postural permet de libérer les hormones du bien être que sont la dopamine, la sérotonine, et l’ocytocine. Il permet d’aller plus profond dans votre propre transformation et d’apprendre du corps dans ses propres termes, à sa façon. On sait alors qu’il n’y a pas de solution en dehors du moment ; on est notre propre guérisseur, notre corps est notre source d’intelligence et nous évite de penser que les autres nous aident ou fixent nos problèmes. Le Yoga postural nous amène à l’acceptation inconditionnelle de ce qui est, tant au niveau physique, émotionnel ou mental; l’acceptation est le premier pas essentiel vers la transformation et la libération.

La pratique est alchimique, statique ou en mouvement, visant à éveiller et à transformer le pratiquant, en suivant des variables énergétiques telle que le temps et le rythme (kala), le lieu (desa), le sentiment intérieur (bhavana) et la constitution (dosha) ou humeurs du corps conscience. Elle permet entre autres d’optimiser notre santé physique et mentale ; en effet, les effets de la pratique sont multiples et largement validés par les études scientifiques. Le Yoga postural permet ainsi d’améliorer notre flexibilité et de nous redonner de la force physique, de renforcer le système immunitaire, d’améliorer la fonction du cœur et de diminuer la pression artérielle, de renforcer les os, d’améliorer la coordination et l’équilibre, de diminuer le stress et de développer l’équanimité, d’aider à perdre du poids, de réguler l’humeur et les troubles de l’appétit, de procurer une sensation de bien-être général et une vision positive, et même une vie sensuelle et sexuelle épanouie. L’organisme, mieux oxygéné, libéré, nettoyé par la bonne circulation de l’énergie, est en meilleure santé physique. Les organes sont régulés. Vos sens sont éveillés, votre perception de vous-même et de l’environnement est accrue. Votre capacité d’adaptation physique, émotionnelle et mentale grandit. La posture et le mouvement participent aussi pleinement à l’expression de l’Etre.

Le Yoga postural a bénéficié de grands développements ces dernières décennies ; son côté féminin possède une allure plus créative, variée, fluide et en mouvement et son masculin a bénéficié des avancées scientifiques notamment dans le monde de l’anatomie des fascias (les tissus conjonctifs) et de la biotenségrité, ce qui me permet d’avoir une approche compréhensive et sécuritaire pour tous les tissus et les articulations.

Je fusionne plusieurs approches posturales : Yin, pour la relaxation, le lâcher prise et le travail en profondeur, Hatha yoga pour les alignements, la force et la discipline ; Ashtanga Yoga, le yoga le plus sportif ; Vinyasa, le yoga cyclique et rythmique de la fluidité, le mouvement rituel d’intégration corps-respiration-esprit, la méditation-prière en mouvement ; Core Strength Vinyasa Yoga (fusion de Vinyasa et Pilate) pour le renforcement des muscles profonds et qui offre plus d’intensité pour plus d’efficacité en un minimum de temps. Et depuis peu, j’introduis quelques passages de HIIT ou High Intensity Interval Training tout en respectant la biomécanique corporelle pour une pratique sécuritaire ; il s’agit d’un fitness holistique qui développe la force, la rapidité et la santé cardiaque, et brûle rapidement des calories.

Sur le tapis, c’est un peu de chaque ingrédient que j’utilise, l’alchimie résultante n’est pas la même selon la méthode employée. J’accorde de l’importance en premier lieu à la personne et à ses besoins ; la pratique peut aussi s’harmoniser avec les saisons, les cycles lunaires, le tempérament de la personne et l’humeur et l’élan naturel du jour.

La respiration de la conscience

« Le jour est l’expiration s’élevant, et la nuit est l’inspiration descendante. »

Kalottara Tantra XI 9

Les exercices respiratoires du Pranayama travaillent avec la force vitale et cosmique qu’on appelle Prana, ou Prana Shakti lorsqu’on la personnalise ; Elle est l’énergie essentielle, le fluide vital qui anime la matière vivante et lui donne vie, le souffle de l’émergence matière-conscience, conduisant à l’apparition d’être organiques et biologiques. L’univers entier est animé par cette énergie, cette manifestation de la conscience.

Les dieux observèrent leur vœu d’allégeance à ce Prana, dont le Soleil émerge et dans lequel il se couche. Ce vœu a continué d’être observé jusqu’à ce jour-ci et le sera demain. Oui, il est vrai que le soleil se lève en émergeant du Prana cosmique, et qu’il y replonge en se couchant. Et aujourd’hui encore, les dieux continuent d’observer ce même vœu d’allégeance de jadis. Aussi n’y-a-t-il qu’un seul vœu que l’être humain soit tenu d’observer : accomplir les fonctions de prana, respiration, et apana, excrétion, pour empêcher que la Mort, sous son emprise de fatigue, ne le saisisse. Et lorsqu’il accomplit cette observance, il doit veiller à le faire entièrement. De cette façon, il atteint à l’identification à cette divinité, Prana, ou s’en va résider dans le même plan d’existence.

 Brihadaranyaka Upanishad I-v-23

Les Tantrikas considèrent la réalisation et l’incarnation du rythme cosmique en tant que flux de la conscience. Les palpitations du cœur miroitent la pulsation de la vie ; il s’agit de ces cycles rythmiques d’expansion et de contraction qui créent notre expérience de la dualité. Inhalation et expiration, la pression sanguine systolique et diastolique (remplir et vider le cœur), la naissance et la mort, jeune et vieux, le jour et la nuit, sont expérimentés comme un continuum du Pouvoir Divin de Shiva, appelé Shakti. Shakti, en tant que manifestation de Shiva est expérimentée comme la force vitale (prana) qui suit un rythme cyclique de création, maintenance et dissolution du corps microcosmique avec le flot de la respiration (prana cara). Dans la tradition tantrique, chaque respiration est un reflet de tous les cycles de ce genre, qu’on nomme vinyasa ou cara, le mouvement ou le flux, le flot. Les cycles de temps externes (le jour, les cycles lunaires, les saisons) sont reflétés dans les phases de la respiration, créant une procession du temps interne. Ainsi nous internalisons le temps lui-même en observant le flux de la respiration (temps) au sein du corps (espace) en un seul tour de respiration, un reflet du rythme cosmique.

L’homme et la femme, la bête et l’oiseau vivent à bout de souffle. Le souffle est donc le vrai signe de la vie. C’est la force vitale en chacun qui détermine combien de temps nous devons vivre. Ceux qui regardent le souffle comme le don du Seigneur vivra pour accomplir toute la durée de la vie.

Shvetashvatara Upanishad

La respiration est aussi en lien avec les états de conscience : un état attentif repose sur une respiration calme et raffinée ; les émotions fortes (colère, peur…) reposent sur une respiration inégale et saccadée. De plus, les animaux qui respirent très vite meurent vite, et inversement, les animaux qui respirent lentement vivent longtemps. Le sommeil est régénérateur notamment parce que la respiration y est calme et délicate.

Quand le prana circule librement dans l’ensemble du corps, on se sent en bonne santé et énergique ; il ravive et redonne consistance à notre part lumineuse. Un blocage de cette énergie amène inconfort, faiblesse, voire douleur et fatigue. Le Yoga relève 72000 canaux d’écoulement de cette force dans notre corps subtil, appelés nadis. Le Pranayama conduit à la maîtrise de la force vitale et à l’expansion du souffle. Yama signifie expansion, règle, clé, contrôle. Il s’agit plus une voie de libération de cette énergie, Shakti, plutôt que d’un contrôle au sens strict qui est contraire à la force d’évolution qui est spontanée. La vie doit en effet évoluer mais on ne peut pas la contrôler. Le Pranayama nous harmonise avec nos rythmes internes, nous libérant du stress, de la fragmentation et de l’illusion du contrôle.

 Yajnavalkya, poursuivit Asvala, puisque tout ceci est entraîné par les quinzaines claires et les quinzaines sombres qui se succèdent tour à tour, et reste sous leur emprise, par quels moyens le sacrificateur se libère-t-il de l’enchaînement des quinzaines claires et sombres ?» « Grâce à la force vitale, répondit Yajnavalkya – et par l’intermédiaire de l’air, qui est le véritable prêtre Udgatri, le haut-chantre. Le souffle vital du sacrificateur est le véritable Udgatri. Oui, le souffle vital est l’air ; cet air est le haut-chantre Udgatri ; cet air est libération ; et cette libération est l’émancipation. »

Brihadaranyaka Upanishad III-i-5

Les exercices variés de la science de la respiration sont conçus pour purifier, équilibrer et fortifier le corps conscience. Le mental est lié à la respiration, ainsi, votre mental peut être influencer par la régulation consciente de votre respiration, procurant une intégration neuro-respiratoire. Ainsi les exercices respiratoires, qui sont très puissants et efficaces, vont impacter la physiologie, l’émotionnel et le psychique, amenant relaxation ou activation en très peu de temps. Les exercices de Pranayama vous sensibilisent à la circulation de cette énergie à l’intérieur du corps et vous aide à développer un état plus élargi de conscience. Ils permettent de transformer le processus habituel de respiration inconsciente en mode conscient. Cela nous ouvre l’accès aux couches profondes de notre conscience et peut nous aider à libérer d’anciens blocages.

ST, cycle de Sodashi 2021, Alpes